Ouverture et exposition

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C'est en discutant avec des photographes amateurs que je me suis rendu compte que la notion d'ouverture et d'exposition était assez confuse et qu'il me paraissait bon d’apporter quelques éclaircissements pour ceux qui veulent comprendre ce dont il s’agit.

Ouverture et nombre d’ouverture

Tout d’abord essayons de comprendre le phénomène lumineux.
Une source lumineuse d’une certaine intensité (sa capacité à éclairer) produit un flux lumineux qui éclaire la scène à photographier. La scène réfléchit une partie de l’énergie lumineuse reçue, cette énergie réfléchie se nomme luminance. Cette énergie de luminance est alors captée par nos yeux ou par un capteur, l’énergie captée est appelée éclairement (unité de mesure : le lux).
Cet éclairement dépend évidemment de la surface de captation mais aussi de la distance entre le capteur et la surface émettrice — l’énergie diminuant en « un sur d deux » c’est-à-dire en 1/d², proportionnellement à l’inverse du carré de la distance.
L’ouverture d’un objectif est déterminée par sa pupille d’entrée, le diamètre du diaphragme grand ouvert ; c’est à très peu près le diamètre de la lentille frontale de l’objectif, on la note D (valeur du diamètre).
L’énergie captée est donc proportionnelle à la surface de la pupille soit en utilisant le symbole ¶ pour le nombre pi : S = ¶R² = ¶D²/4 et inversement proportionnelle à f² (distance focale, l’objectif étant assimilé comme une lentille simple). Donc si la luminance de la scène à l’entrée de l’objectif est L, l’énergie captée, c’est-à-dire l’éclairement est donné par E = L. ¶D²/4f² en négligeant la petite perte de transmission dans l’objectif. Cela s’écrit plus joliment : E = (D/fL/4¶.
Si D est dite ouverture physique ou absolue, cela signifie que D/f est une ouverture relativement à la focale. En effet, la surface de la pupille d’entrée est S = ¶D²/4 or l’énergie reçue par le capteur à la distance f est proportionnelle à la surface ¶D²/4f² donc comme si elle était reçue par une surface circulaire S* de diamètre D* = D/f telle que S* = ¶D*²/4.
S’agissant d’un rapport de même unité (unité de longueur) on pose N = f/D qu’on appelle le nombre d’ouverture.
Vu que l’éclairement est proportionnel au carré de l’ouverture on peut définir une suite géométrique des nombres d’ouverture qui représentent les valeurs approchées de la racine carrée de l’ouverture. Cela permet, en passant d’un nombre au suivant, de savoir aisément que l’on double l’énergie captée et inversement :
Nombre d’ouverture : 1 - 1,4 - 2 - 2,8 - 4 - 5,6 - 8 - 11 - 16
Proportion d’énergie captée : 1 - 1/2 - 1/4 - 1/8 - 1/16 - 1/32 - 1/64 - 1/128 - 1/ 256

On remarque que les nombres d'ouverture croissent alors que l'énergie captée décroit (logique puisque le diaphragme se ferme — plus le nombre d'ouverture est grand et plus le diaphragme se ferme).

Ainsi en passant de N= 5 ,6 (5,6 est racine carrée de 32) à N’ = 8 (8 est racine carrée de 64), on a divisé l’énergie captée par 2.

Il est intéressant de constater l’universalité de ce nombre d’ouverture. En effet, à N égal l’énergie captée est la même quelle que soit la focale de l’objectif. Un objectif de focale 20 mm à N = 4 capte la même énergie (le même éclairement) qu’un 500 mm à N = 4 ou avec l’écriture habituelle, un 20 mm à f/4 capte le même éclairement qu’un 500 mm à f/4.
Bien sûr, le changement du nombre d’ouverture est obtenu par l’action sur le diaphragme qui modifie le diamètre de la pupille d’entrée.

Quelques inexactitudes
Dire « objectif ouvert à 4 » au lieu de « objectif ouvert à f/4 »
Dire « ouverture 5,6 » au lieu de « nombre d’ouverture 5,6 » ou « ouverture f/5,6 »

L’exposition

L’exposition est la quantité de lumière (aussi appelée lumination) reçue pendant une certaine durée (unité de mesure le lux seconde lx.s).
La formule du calcul est simple H = E.tE est l’éclairement et t le temps de pose.
Ce qu’il faut comprendre pour la photographie c’est le caractère de réciprocité de l’exposition que montre la formule. Ainsi, on a la même exposition si on divise l’éclairement par 2 et si en même temps on double la durée de captation.
On notera que l’exposition est totalement indépendante de la sensibilité (nombre d’ISO).

Cela permet de comprendre ce que l’on appelle la fonction P programme dans un appareil photo.
Pour une lumination donnée on sait que si on augmente d’un pas le diaphragme (par ex. passer de N= 4 à N = 5,6 ce qui correspond à fermer le diaphragme d’un cran et à diminuer l’énergie reçue par 2) il faut doubler le temps de pose (ce qu’on appelle de façon barbare, la vitesse). La fonction programme applique ce principe.

On entend ou on lit souvent l’expression indice de lumination (IL). L’indice de lumination est défini par le logarithme d’un rapport entre le nombre d’ouverture et le temps de pose. Son intérêt est de permettre d’utiliser une unité simple entre ces deux paramètres. L’IL = 0 est donné pour N= 1 et t = 1 s et IL = 1 pour N = 1,4 et t = 1 s et IL = 2 pour N = 1,4 et t = ½ s ou N = 2 et t = 1 s, etc.
Par exemple une photo prise à une ouverture de f/4 pendant 1/30 s présente un IL de 9, si on augmente d’un IL cela veut dire qu’à ouverture égale f/4 on posera 1/60 s (durée double) ou bien à temps de pose égale 1/30 s on fermera à f/5,6 (un cran de diaphragme).

Inexactitude
Dire « Fermer ou ouvrir de 2 diaphragmes » au lieu de « fermer ou ouvrir de deux crans de diaphragme » ou « fermer ou ouvrir de 2 IL »

:coucou:
Mes Instants Nature -- Mon Site Perso

" Ars sine scientia nihil est — Il n'y a pas d'art sans science " Jean Mignot, 1410 (architecte de cathédrales).

Re: Ouverture et exposition

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Grand merci Papout pour ce résumé clair et synthétique ! :super:
Bon, j'avoue ne pas m'être attardé sur toutes les formules du 1er paragraphe mais chapeau de les avoir toutes faites figurer. :mrgreen2: :mrgreen: :clap:

Et j'apprends avec stupeur mon ignorance de l'indépendance de l'exposition par rapport à la sensibilité ISO, preuve que j'en ignorais la définition: merci pour cette correction bienvenue Prof !!!
Faudrait-il dès lors parler de "juste exposition", d'"exposition correcte" ou "adaptée" pour la mettre en lien avec la sensibilité? Encore que cela reste relatif au rendu désiré, non?

Re: Ouverture et exposition

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Bonjour et merci Alex Aina, pour ce message sympathique.

Question pertinente et intéressante qui demande un développement.

On ne peut pas "mettre en lien avec la sensibilité" l'exposition puisque selon sa définition, c'est une quantité d'énergie lumineuse qui impacte un capteur pendant une certaine durée (le temps de pose). Donc la sensibilité comme tu l'as remarqué est absolument indépendante de l'exposition.

En fait la véritable question est : quelle doit être l'exposition pour que l'image fournie par le capteur soit bonne ?.
Une bonne image (techniquement parlant) est une image dont les zones les plus lumineuses ne sont pas " cramées " c''est-à-dire que l'énergie lumineuse captée ne sature pas le capteur (les photosites qui le composent). Idéalement il faudrait que toute la dynamique de l'image, des zones les plus sombres aux zones les plus claires sans
" bouchage " ni " cramage ", soit contenue dans l'image.
Le seul indicateur ou organe de contrôle sur nos APN est l'histogramme ; à noter que certains APN ont un indicateur avec des tirets qui se positionnent d'un côté + ou d'un côté – .

L'APN étant calé sur sa sensibilité nominale (en général équivalente à ISO 100), il ne reste plus qu'à trouver le bon couple nombre d'ouverture - temps de pose pour que le capteur soit bien exposé, cela revient à adapter ce couple à l'indice de lumination de la scène donc à trouver le bon IL de prise de vue. On peut toujours trouver le bon couple dans la limite des capacités de l'APN a capter un éclairement donné entre éclairement minimum et éclairement maximum.

Si pour des raisons de prises de vue (vitesse de déplacement du sujet, profondeur de champ souhaitée, etc.) le couple N,t (l'IL de prise de vue) ne peut pas être trouvé il faut alors trouver une autre solution si possible.

C'est là que réside la subtilité de la solution.

Imaginons que le couple souhaité donne un histogramme décalé sur la gauche (sous-exposition par manque de luminosité générale) donc IL de prise de vue inférieur à l'IL de scène. Pour ramener l'histogramme en butée à droite (capteur correctement exposé) donc les deux IL adaptés, on ne peut qu'augmenter l'amplification pour ne toucher ni à N ni à t.

En résumé, la luminance de la scène et donc son IL est toujours le même, seul l'IL de prise de vue a changé, il faut donc compenser ce changement par une action sur le gain d'amplification si on ne veut pas modifier N ou t pour adapter les deux IL.

Cela démontre que l'exposition n'est pas liée à la sensibilité.
De surcroît, techniquement, l'augmentation de l'amplification n’accroît pas la sensibilité du capteur mais seulement le signal de sortie, il faut bien le comprendre.

:coucou:
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